Je viens d'achever la lecture de ce rapport "
d’accompagnement de la réforme"... Déjà, le titre en dit long : il ne s'agit pas d'en questionner la pertinence (le
statu quo "
fait courir un risque existentiel à l’audiovisuel public" - p.3) mais bien d'accompagner. Dont acte. Et dans le détail ?
Sur l'
information, Laurence Bloch plaide pour "
cibler les efforts sur l’organisation intégrée d’une offre d’information en continu et le développement de la plateforme franceinfo" (p.8-9). Concrètement, cela passerait par une filialisation et un regroupement des équipes de FI télé, radio et web. Mais qu'en sera-t-il des autres rédactions, comme les matinales des radios ou les JT de France 2 ? Des magazines ? Leur destin n'est abordé qu'en pointillé :
"
Pour documenter les arbitrages que devra prendre le PDG de France Médias entre les différentes offres d’information de l’audiovisuel public (information en continu ; information généraliste ; information de proximité ; investigation ; rédactions spécialisées) et assurer leur complémentarité et la circulation des productions, un directeur de l’information aura vocation à être placé au niveau de la holding sous la responsabilité directe du PDG."
Quand je lis "documenter les arbitrages", je ne peux m'empêcher de penser à des arbitrages budgétaires. C'est assez inquiétant dans le contexte actuel et l'on se doute bien que la radio et l'investigation seront les potentiels grands perdants : trop coûteux, trop dérangeants.
Sur la
reconquête d'un public populaire, qui est un vrai sujet
(France TV notamment s'est vue adresser des reproches à ce sujet par l'ARCOM, les CSP- étant de plus en plus mal représentés sur les antennes), là encore il est proposé une filialisation et une plateformisation, autour de la marque "Ici" (p.10). Je suis un peu gêné que cette question du public populaire ne soit abordée qu'au travers du prisme de l'offre dite "de proximité". Cela sous-entend quoi ? Que l'on acte d'avoir d'un côté des grands médias généralistes pour CSP+ et de l'autre des "médias pour bouzeux" ? Pour le coup, on va vraiment regretter l'époque où une chaîne comme France 3 était capable de parler à tous les publics, avec du local
et du national, avec des programmes pour papys
et une offre jeunesse puissante. Le service public a pour vocation de rassembler mais les plateformes, que je n'hésiterai pas à qualifier pour certaines de technofascistes, imposent leur logique et l'on segmente les usages (cette stratégie est développée p.11).
Se posera enfin la question du "
[maintien de] (parce que ça existait ?)
la fluidité de la circulation des contenus entre les différentes plateformes" (p.12) : si l'on segmente par publics, comment avoir une politique d'offre et amener les tvsp/auditeurs en dehors de leurs sentiers battus ? Un petit corner dans un coin de l'appli ? On verra si cela fonctionne quand Arte communiquera les chiffres d'audience acquise lorsque ses contenus sont diffusés sur france.tv et TF1+...
Une autre problématique que j'entrevois et qui est malheureusement inhérente à la stratégie de l'
allervers est l'enrichissement de ces mêmes plateformes étrangères par les contenus du service public (p.11), avec des réallocations de ressources conséquentes vers la production de contenus dits "natifs".
Il y a enfin le vœu pieu que "
les budgets alloués à l'audiovisuel public soient sanctuarisés dans les cinq prochaines années, compte tenu de l'ampleur des investissements technologiques à engager et de la transformation tant dans l'organisation que dans les métiers qui s’impose" (p.13-14). Je crains qu'on soit là dans une équation impossible : l'État n'entend pas mobiliser de nouvelles ressources ; les investissements à concéder sont effectivement conséquents ; la réforme ne semble pas suffisamment structurante et profonde pour mobiliser d'importantes économies d'échelle.
C'est d'ailleurs écrit noir sur blanc : "
En réalité la holding n'est qu'un cadre juridique pour élaborer, impulser et accompagner une stratégie commune pour l'audiovisuel public, pilotée par un PDG lui-même nourri par ses directeurs généraux délégués" (p.14). On rajoute donc une couche au millefeuilles, mais promis : elle sera mince et pas trop coûteuse. Quel est l'intérêt ? Économiser des frais d'audit et de consulting ? Et encore, cela reste à prouver...
Au final, tout cela me laisse l'impression d'un robinet d'eau tiède et que Mme Bloch, que j'estime profondément par ailleurs, s'est retrouvée coincée entre le marteau (une Ministre que nous qualifierons aimablement de volontariste) et l'enclume (des salariés frileux voire inquiets). La montagne va vraiment accoucher d'une souris ; on se sera juste doté d'un personnage (le/la présendent·e de
holding) qui sera vu tour à tour comme trop embarrassant ou au contraire comme trop complaisant avec l'exécutif, quelqu'il soit. Ça fait cher le fusible... Qu'elle semble loin, la "BBC à la française".

Au fait, avez-vous noté le nombre d'occurence des mots "outre-mer" ou "ultramarin" dans le rapport ?
(...je vous laisse le temps de compter...)Et bien c'est simple : zéro. Dommage : avec les 1ère, on avait des choses à dire et du retour d'expérience sur l'intégration télé-radio-web.